Traité complet de l’élève (l’élevage) du cheval.
1813 – Ephrem Houël.
Document très intéressant sur les us et coutumes des éleveurs au 19e siècle et plus particulièrement en Bretagne. J’ai noté les passages les plus intéressants.
On retrouve pas mal de problèmes qui persistent aujourd’hui! Les traditions Françaises ont la vie dures!
Y a pas mal de fautes et de coquilles car c’est un texte ancien et une reconnaissance de caractère…
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Le sieur Querbrat Calloet, conseiller de Sa Majesté, ci-devant avocat -général en la chambre des Comptes de Bretagne, reprochait, en 1666, aux nourriciers de chevaux de la province, de nourrir leurs chevaux de légumes , plantes , naveaux , au lieu d’avoine et de bon foin ; de faire saillir leurs juments , à l’âge de deux ans , par des étalons trop jeunes , au lieu d’attendre que les juments aient au moins trois ans , et les chevaux quatre ou cinq.
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Les particuliers qui ont des étalons sont, la plu part, des cultivateurs aisés qui font de cela un commerce. Leur but unique est de gagner de l’argent ; ils ne sont guidés par aucun esprit d’amélioration.
Si les chevaux saillissent huit et dix fois par jour, les juments sont saillies souvent vingt et trente fois. Les chevaux s’épuisent et ne font rien de bon ;
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La jument est la base de l’élève chevaline. La plupart du temps, les poulinières sont le rebut des acheteurs. Quand une jument n’a pu être vendue, soit à cause de sa mauvaise conformation, soit à cause de tares ou de vices souvent héréditaires, on la destine à la reproduction : si on obtient une bonne pouliche, au lieu de la garder pour en tirer race, on la vendra sur-le-champ pour garder la mauvaise mère ; et si la mère meurt, on la remplacera par une mère aussi mauvaise.
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L’effroyable dégénération qui se remarque dans la taille et la force des juments en France, depuis cinquante ans, a sa cause dans les guerres de la république et de l’empire, dans ces réquisitions forcées qui ont enlevé toutes les juments capables de porter un soldat : le cultivateur en était venu au point de ne plus vouloir se servir que de juments petites et défectueuses ; au moins celles – là, il était assuré de les garder.
La chétiveté des poulinières est une plaie tellement destructive de toute amélioration, que Henri VIII, roi d’Angleterre, ne pouvant vaincre l’obstination des cultivateurs à cet égard, prit un parti qui allait bien à un despote comme lui, mais qui trouverait, sans doute, peu de faveur aujourd’hui. Il fit tuer toutes les juments qui n’arrivaient pas à une certaine taille : aussi est-ce de son règne que date la grande supériorité des chevaux anglais sur tous ceux de l’Europe.
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En Bretagne, on n’a généralement aucune idée des croisements. La monte se fait par un système d’appareillement mal compris, qui consiste à donner la jument de trait au cheval de trait, la jument de carrosse au cheval de carrosse, la jument de selle ou de race, comme on dit, au cheval de sang ; tan dis que c’est à peu près le contraire qu’il faut faire.
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Les chevaux sont convenablement et forte ment nourris. Quant aux logements, ils sont aussi mauvais que possible ; les chevaux sont entassés dans des écuries fétides, pleines de fumier, obscures, et ils n’ont même pas toujours l’espace nécessaire pour se coucher. Il en résulte les plus, grands inconvénients.
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Dans la montagne, les chevaux ne sont pas, à beaucoup près, aussi bien nourris que dans le Léon ; excepté quelques cultivateurs aisés, le reste ne donne ni nourriture, ni soins ; le cheval est à l’état de simple nature ; il mange ce qu’il peut, couche où il veut, et voilà.
À peu d’exceptions près, leur nourriture n’est ni convenable, ni assez abondante dans le jeune âge ; c’est jusqu’à trois ans qu’on doit nourrir un cheval, après il faut qu’il vive ; voilà tout ; mais c’est dans l’âge de la croissance et du développement qu’il faut pousser un cheval. On” dit à cela : je n’ai pas le moyen de les bien nourrir ; et si j’ai de l’avoine, je la mangerai, et ne la donnerai pas à mes chevaux : c’est fort bien dit ; mais alors n’élevez pas de Chevaux, et, si vous le faites, ne vous plaignez pas d’avoir des rosses.
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M. Huzard , Traité des Haras domestiques , dit à ce sujet : « L’amélioration des races de chevaux, dans un pays comme la France, ne sera possible qu’autant qu’elle sera en rapport avec les systèmes d’agriculture ; qu’elle ne pourra s’effectuer chez les petits cultivateurs malaisés qui laisseront toujours les animaux dans un état de misère; et que, par conséquent , les tentatives du gouvernement pour améliorer ces races en masse devront toujours être infructueuses , parce qu’il lui est impossible aussi de faire changer la position du cultivateur.
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En France, il en est tout différemment, grâce à l’ignorance des acheteurs et des vendeurs, et à ce que l’on s’en rapporte seulement à la vue. Un bon cheval n’est pas payé 100 fr. plus cher qu’une rosse, et, souvent même, c’est la rosse qui est payée le prix le plus élevé.
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Tel éleveur, préférant un bénéfice certain et immédiat aux chances précaires de l’avenir, vend ses meilleures poulinières, et ne conserve, pour la reproduction, que de mauvaises juments. Ces mauvaises juments font de mauvais poulains ; mais, ce n’est pas la faute de l’éleveur, c’est la faute du gouvernement et de l’administration des haras. Tel autre a gardé de bonnes poulinières ; mais, par ignorance ou par cupidité irréfléchie, il a mal élevé ses poulains qui, privés de soins et de nourriture, se sont étiolés. Est-ce la faute de l’éleveur? Non, c’est la faute de l’état-major des haras, qui mange toute l’avoine ; c’est la faute du gouverne ment. Un troisième, pour éviter la peine d’envoyer ses juments aux étalons royaux de la station voisine, emploie quelque mauvais étalon coureur, dépourvu •• de sang et couvert de tares. Si les fils de ce mauvais étalon sont tarés comme lui, cornards, etc., etc., ce ne sera pas non plus la faute de l’éleveur, mais la faute des étalons du gouvernement et de l’administration des haras.
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Première cause : La propension de l’esprit humain à blâmer tout ce qu’il ne. Comprend pas, et qui est hors de sa sphère.
Troisième cause : L’ignorance profonde où l’on est généralement eu France sur tout ce qui regarde le cheval. — Il n’y a pas une nation où l’on comprenne moins l’amélioration, où l’on s’en occupe moins sérieusement, et avec moins de suite, qu’en France. A la place de la vérité, à la place des connaissances pratiques qui devraient faire le partage de tout homme, on ne trouve partout que des préjugés, des idées vieillies ou erronées ; d’autres adoptées légèrement et sans examen •. Nulle ne part un corps de doctrine ; nulle ne part une opinion arrêtée.
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On ne se servira, pour le faire avancer, que de la voix, et jamais du fouet, surtout les premiers jours. Le fouet est, en France, 1 un instrument ridicule et barbare : on ne s’en sert jamais en Angleterre, si ce n’est pour exciter les chevaux par un léger sifflement.
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Barbares sont ceux qui n’ont pas su tirer parti de cet amour inné, instinctif, ardent, impérissable des Bretons pour le noble compagnon de l’homme! Que voulez- vous qu’ils fassent de plus? Qu’ils aient de superbes harnais quand ils ont à peine du pain ; des vêtements de soie quand ils n’en ont pas de toile! Ils font ce qu’ils peuvent!!! Venez à eux ; ranimez avec de l’or la cendre de ce foyer, et vous verrez l’étincelle qui en jaillira.
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L’avoine est au cheval ce que la pièce de bœuf est à l’homme.
P290
Ainsi, pour nous résumer, les courses sont utiles : comme spectacle indispensable pour entretenir le goût du cheval chez une nation où les besoins militaires et commerciaux en font une nécessité.
P295
La Normandie est principalement destinée par la nature à fournir des carrossiers ; l’allure habituelle des chevaux de cette espèce est le trot. (Carrossier = Trotteur)
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